Puis au TNM en 1968 dans une mise en scène de Jean-Louis Roux
Robert Bernier
L’œuvre entier d’Alfred Pellan m’a toujours évoqué le soleil. Peut-être est-ce le résultat de mon premier contact avec ses « Jardins » au Musée du Québec d’alors. Encore enfant, je me souviens avoir été totalement transporté, irrémédiablement fasciné par la puissance de ses couleurs. Pendant des jours, l’été qui a suivi ma visite au Musée, je me revois, seul sur la plage, une couverture {très colorée} sur la tête, j’observais la lumière à travers le tissu me remémorant ses riches coloris que ma petite tête de sept ans allait garder en mémoire pour la vie. Les affinités étaient placées.
Ce que j’ignorais encore alors, c’est combien cet artiste était déjà un créateur accomplie et polyvalent. Né en 1906, à Québec, Pellan est bien connu pour sa peinture mais il a aussi fait dans la scénographie et ce dès 1945, pour une pièce jouée par les élèves de Madame Jean-Louis Audet ( Yvonne Duckett), Madeleine et Pierre. En 1946, La troupe, Les compagnons de Saint-Laurent, lui demande de créer les décors et les costumes pour, « Le soir des rois » de Shakespeare, du titre original, Twelfth Night, dans la traduction française est d’un certain, Victor Hugo. Germain Lefebvre1 écrit, « L’aventure n’avait pas été de tout repos pourtant, car Pellan ne disposait que d’un mois pour tout concevoir et tout mettre en place. «Je n’avais même pas le temps de lire le texte de la pièce, et c’est Jean Gascon qui a dû me faire le résumé de l’intrigue et me décrire la personnalité de chacun des personnages. J’ai fait des notes et je suis parti de mon côté pour essayer de donner un visage, une tenue à ces personnages. Je me souviens, nous nous réunissions au restaurant Chez son Père, rue Craig, souvent tard dans la nuit, pour discuter de la pièce. » Parmi les acteurs Jean-Louis Roux qui mettra en scène la version du Théâtre du Nouveau Monde en 1968-1969 (dont il était également le directeur artistique), en utilisant les mêmes éléments de décors, costumes et maquillage tout en demandant à Pellan une mise à jour.
Cette fois Pellan est entouré de professionnels. Fait amusant, c’est Peter Gnass qui peint les décors. Il y a là aussi un véritable bataillon pour la réalisation de cette version. Pellan supervise l’ensemble allant jusqu’à assister et finaliser le maquillage des comédiens. Il ajoute trois costumes et, cette fois il ne peint pas sur le tissu. Ils sont assemblés ce qui dynamise encore davantage les effets et les couleurs. Martial Dassylva2, écrit, «Tout cela, est-ce surréaliste? Psychédélique? Quand on converse avec Pellan, on a le sentiment qu’il est à l’abri des catégories faciles, ou plutôt que ces catégories n’ont aucune prise sur lui, parce que finalement il ne fait confiance qu’aux ressources de son imagination. »
Cette grande aventure de Pellan au théâtre demeure un évènement majeur de notre histoire de la modernité. Ses costumes ont depuis été maintes fois exposés depuis et ce dès 1969, au Centre culturel canadien, à Paris. Puis par la suite, entre autres, au Musée des beaux-arts de Montréal, au Musée du Québec (aujourd’hui le Musée national des beaux-arts du Québec) au Musée des beaux-arts du Canada. Fort heureusement, une exposition est actuellement présentée au Musée des beaux-arts de Sherbrooke jusqu’au 29 avril. N’oubliez pas non plus la magnifique Salle Alfred Pellan (permanente) au Musée national des beaux-arts. Bonnes visites dans l’imaginaire Pellanien!