Croire
Pierre Flynn est l’un de nos plus précieux créateurs. Il aura contribué à donner une forme, un esprit, une marque à l’identité culturelle du Québec depuis déjà plus de quarante ans, et il le fait encore et toujours aujourd’hui avec la même pertinence. Celle d’un témoin de son temps s’exprimant à travers et avec sa vision de la vie et de la société. À 17 ans, il écrivait « La maudite machine », chanson culte du groupe Octobre, qui déjà portait les prémices d’une longue carrière, d’un langage, voire d’une énergie créative aux riches contours rythmés d’une musique sentie, dense et mélodique.
Les allers-retours des marées intérieures
Ces deux premiers disques solos, Le parfum du hasard (1987) et Jardins de Babylone (1991), ont connu un succès d’estime et populaire sans équivoque. « Possession », « Sur la route », « Catalina », « L’ennemi » et « Marcher tout seul » se sont imposées à la radio. Le rythme bien tendu de celles-ci côtoyait celui de chansons mélodiques aux textes fouillés, puisant dans une émotion complexe et puissante, dont « Le retour » qui clôt l’album. Le parfum du hasard semble annoncer un flot créatif à venir différent, plus intérieur. Arrive Les jardins de Babylone quelque quatre ans plus tard, un album aux couleurs nuancées avec « Savoir aimer », « Lettre de Venise », « La vie est un songe », « Le chemin des cœurs volants », etc. Elles expriment un regard introspectif qui s’impose de plus en plus. Le succès populaire l’avait-il ébranlé? Possible. Qui sait. Ce solitaire au rythme lent travaille en s’isolant pour se retrouver avec lui-même. Ce qui explique la rareté des albums solos, cinq en près de quarante ans, comprenant une captation en spectacle (Vol solo en 2006)… Ce créateur rempli de doute croît et croit dans un processus créatif autant introspectif qu’interrogatif, qui bon gré « malgré » ponctue ses marées intérieures à travers les portes battantes du dehors et du dedans. En ressort, des chansons et des musiques sobres et non sombres. Car, si Pierre Flynn est anxieux, il n’est pas malheureux, il est d’ailleurs plutôt porté à l’émerveillement. Ce qui explique que ses textes sont pour la plupart des témoins lucides d’une vie qui glisse, qui parfois s’agrippe, mais jamais sans espérance.
Mirador (2001), son troisième album, a comme passé inaperçu. Pourtant, il contient des chansons et des musiques d’une intensité émotive puissante telles « Ma petite guerrière » et « Croire », des chansons à « mottons » d’une grande beauté. Pour le succès mitigé de Mirador, risquons une explication. Le ton. Plusieurs titres sont clamés, la mélodie arrive souvent un peu sur le tard, comme prise entre deux niveaux. Il en sera ébranlé mais demeure sur la piste. Il faudra attendre 14 ans pour entendre du nouveau matériel. Sur la terre sorti début avril 2015 fait la démonstration que le talent est une ressource qui ne se tarit pas, même si parfois il est plus long à extraire. Et il arrive que la création doive prendre un long détour. « Je suis traîneux, je peux hésiter longtemps, bohème aussi… J’espère [maintenant]trouver un rythme plus soutenu. »
Le processus
Tout commence avec la musique. Une fois la mélodie installée, « je sors des sons de ma bouche. Je construis un état », explique-t-il. La voix est un instrument. De la musicalité émerge l’émotion de la chanson et inversement. Le cadre établi, les émotions senties, alors le texte s’installe, inspiré de la musique et du vécu. « J’essaie de me mettre en état de voyagement. De retrouver ma propre vulnérabilité… On sait assez vite si la musique porte aux opus. » Il y a peu de chanson où le texte arrive en premier. Ce fut le cas pour « Lettre de Venise » (Les jardins de Babylone). Ses textes sont toujours inspirés de son expérience. Un vécu qui lui demande du temps avant de devenir des mots. Il observe de l’intérieur « plutôt que de brandir des slogans. C’est important pour moi de témoigner de ce voyage sur la terre ». Et cela donne de grandes chansons comme « Le parc Lahaie », « Le dernier homme », « Tout blanc, tout bleu » et « Étoile, étoile ». Ce n’est pas compliqué, on pourrait les nommer toutes tellement l’ensemble est cohérent et lumineux. Une lumière qui exprime des états d’être dans l’esprit de Jean-Jacques Rousseau.
Depuis 1989, il tient un journal de bord dans lequel sont contenues [toutes] ses observations, ses idées, les notes et les rimes. Ce sont les prémices, les germes, les premiers coups de pelle d’un processus tant personnel qu’universel, ce qui rend le partage possible et riche. Croire interpelle le doute, le contraire est plus stérile. Heureusement pour nous, les admirateurs de Pierre Flynn, son énergie est polarisée du bon côté.
Robert Bernier
Pierre Flynn en spectacle :
Tadoussac
13 juin
samedi
Festival de la Chanson de Tadoussac
Pierre Flynn
21h30
Charlevoix
12 août
mercredi
La ChantEauFête de Charlevoix
Pierre Flynn
St-Eustache
26 septembre
samedi
Centre d’art La petite église
Pierre Flynn
20h00
L’Assomption
02 octobre
vendredi
Théâtre Hector-Charland
Pierre Flynn
20h00
Québec
21 octobre
mercredi
Grand Théâtre de Québec (Salle Octave-Crémazie)
Pierre Flynn
20h00
Voir les autres dates ici