


A cet égard, ses« architectures nomades » jouent souvent sur une réappropriation du passé, ce qui est courant, pour le mettre à la disposition du présent, ce qui l’est moins. Ne vaudrait-il pas mieux chercher ce qu’il reste d’âme dans un bâtiment construit pour un besoin spécifique à quelque époque que ce soit au lieu de constamment tout jeter ? C’est dans cet esprit qu’il a aidé des artistes à investir des espaces tels d’anciennes usines ou d’anciens ateliers. « Après avoir vu autrefois défiler des milliers de personnes, ils doivent bien être en mesure d’y recevoir des activités vivantes », conclut-il logiquement.
Bouchain va toutefois beaucoup plus loin, vers des projets destinés à s’intégrer dans le tissu social.

Attentif aux leçons de l’architecture industrielle du siècle précédent, qui témoigne du savoir-faire des artisans et des ouvriers, il en intègre l’esprit sur ses chantiers, pour lui « lieux du questionnement et des avancées, aventure, temps de découvertes », qui va requérir « des performances de la part de tous ». L’Ensemble à Tourcoing, dont il vient avec son équipe de fêter l’inauguration, est à cet égard exemplaire. C’est en effet à l’instigation des vieux habitants, qui luttaient pour garder leur environnement malgré l’abandon dans lequel il était laissé et qui ont fini par l’emporter, que l’architecte s’en est vu confier soit la réhabilitation intérieure aux normes actuelles, ou lorsque impossible, leur transformation. La participation de chacun au développement du projet par des consultations sur le chantier et des discussions ouvertes y a tissé des liens communautaires forts, et le tout s’est terminé par une grande fête avant que la vie reprenne autour, enrichie d’une si réconfortante expérience, trop rare encore.
Dans le domaine des idées, Patrick Bouchain est un grand admirateur de Buckmunster Fuller, ce visionnaire en avance sur son temps avec sa maison à portée de tous, jamais diffusée car elle aurait mise à mal l’industrie du bâtiment. Sur le plan esthétique, c’est Renzo Piano, l’harmonieux interprète du sens de l’espace, qui l’emporte. Quant aux artistes eux-mêmes, il apprécie de travailler avec eux car « ils connaissent toujours précisément leurs besoins ». Un brin de controverse n’est d’ailleurs pas pour lui déplaire, comme il l’a prouvé lorsque, conseiller de Jack Lang, alors ministre de la culture, il a collaboré avec Buren pour l’installation de ses colonnes au Palais-Royal.
Par Paquerette Villeneuve, Paris le 1er novembre. Pour Parcours.