Pas celui qu’on pense!
Radio-Canada révèle qu’une œuvre d’art monumentale installée au CHUM, dérange. La vie en montagne, est un mur-rideau installé sur la façade de l’entrée principale. Elle couvre plus de 2600 mètres carrés et occupe huit étages. Elle a été conçue et réalisée par le duo d’artistes, Mathieu Doyon et Simon Rivest.
L’œuvre offre différents contacts selon que l’on est à l’extérieur ou à l’intérieur. Cette vaste murale, vue de la rue, montre cinq montagnes. Au dos de ces immenses représentations il y a une trame composée de 15 000 pastilles pour chacune des montagnes où est inscrit un mot, un dessin ou un pictogramme. Il semble bien que certaines soient difficiles à avaler…
Dans le département d’oncologie, les mots « cercueil », « hécatombe » et « nichon » sont visibles. Des usagers se sont plaints. Ce qui a créé un malaise. La direction du CHUM a réagi, les deux artistes aussi, Ils ont expliqué que certains mots avaient échappé à leur vigilance, et ils affirment que les mots litigieux seront remplacés illico. Nouveau malaise.
Il y a pas si longtemps une telle situation aurait créé un débat. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’une œuvre d’art public dérange, ni que certains mots en faisant partie froissent des gens. La plus célèbre, la grande murale de Jordi Bonet au Grand Théâtre de Québec qui, lors de son inauguration en 1971 avait créé tout un boucan. Que dis-je, un tsunami médiatique et social. Les mots litigieux d’alors, Vous êtes pas écœurés de mourir bande de cave! C’est assez! Étaient le fruit de Claude Péloquin. Cette phrase avait fortement outré une partie de la population de Québec. L’écrivain et homme d’affaires Roger Lemelin s’était fait le porte-parole des indignés. On ne demande rien de moins que d’éliminer la phrase litigieuse! La tourmente fut incroyable, la pression sur l’artiste, extrême, car le poids était sur les épaules de Jordi Bonet qui était l’auteur de cette vaste murale aujourd’hui un des fleurons de notre histoire de l’art. Lors de la conférence de presse que tient l’artiste au pied de son œuvre, on sentait bien toute la pression que ressentait l’artiste devant une controverse inouïe! L’artiste n’a pas fléchi. Il a défendu son œuvre et son choix, parce que ces mots, prenaient tout leur sens et leur poids dans le contexte de l’œuvre. Une œuvre sociale qui revendiquait et clamait la liberté! Celle de penser, d’agir et de se comporter. La liberté entravée aussi par la fatalité mais animé à son inverse par l’espoir et l’espace. S’il existe une issue à la mort elle est lié à la liberté et à l’infini! Ça a duré des semaines et des semaines. Et aujourd’hui on voit l’œuvre pour ce qu’elle est. Il fallait la défendre.
En fin de semaine sur leur page Facebook, les artistes, Mathieu Doyon et Simon Rivest ont presque défendu leur œuvre et leurs choix… Presque. Ils écrivaient “…Malheureusement, une série de mots a échappé à notre vigilance à la base et, comble du malheur, ils se sont retrouvés l’un en dessous de l’autre dans une des fenêtres. Nous sommes parfaitement conscients que ces mots ont pu troubler certaines personnes qui se trouvaient déjà dans une situation difficile, dans des moments de grande vulnérabilité. Nous en sommes vraiment désolés. Nous allons couvrir les mots en question à l’aide de nouveaux éclats autocollants le plus rapidement possible. Nous offrons nos excuses les plus sincères aux gens concernés. » Excusez pardon.
Moi c’est ça qui me crée un malaise. Aujourd’hui, presque 50 ans après le débat autour de la grande murale de Jordi Bonet, l’art public, que l’on appelle encore de l’art est devenu dans les faits le pendant des « statues » commémoratives. La liberté de création est aujourd’hui encadré, scruté et balisé sinon « no candy ». Je crois que l’on devrait changer la terminologie pour ce qui est de la politique du 1%, car l’art public une fois passé dans le moulinet de tous les intervenants, des médias et du reste il n’en reste pas grand-chose si les artistes ne défendent pas leur choix…
Excusez-le!
Robert Bernier