Une belle et grande initiative
Faire une exposition, qui a pour objectif de démontrer que ce que l’on associe génériquement aux métiers d’art, sans se poser d’autres questions que de savoir à quelle école ou association tel créateur est affilié, demeure non seulement réductif pour ce créateur, mais encore davantage pour l’acte créatif lui-même. À trop vouloir définir et mettre dans des boîtes étanches en apposant une étiquette restrictive, on tue l’art. Pire, on l’ignore par consentement volontaire. On devient aveugle. On a troqué les yeux pour le radar.
Définir l’indéfinissable
Certes, on peut s’amuser et même se prendre très au sérieux en définissant tout et n’importe quoi. Créer des secteurs et des sections, des sous-sections et des catégories. En art, par exemple, il existe un malaise idéologique profond (pas tant dans le public d’ailleurs, plutôt chez les professionnels et penseurs du milieu) et on a tranché de façon arbitraire. Ceux qui ont une pratique en arts visuels sont des artistes! Ceux qui ont une pratique à travers un métier, on va les appeler des artisans.
En arts visuels, on a beaucoup (et on le fait toujours) mis en doute l’objet ainsi que son apport « réel » dans l’acte créatif. Tant et si bien que certains l’ont tout simplement éliminé. En ne gardant que le concept. L’objet est devenu trivial. Le métier? Bah! le métier, c’est pour l’artisanat… Nous, on réfléchit, on conceptualise…
Comme si quelqu’un (appelons-le comme ça) qui travaille en ébénisterie, par exemple, s’exécutait sans réflexion. Comme s’il ne devait pas trouver ses propres solutions à des problèmes universels, comme le rapport à l’espace, à la matière, aux matériaux, aux outils, à l’esthétisme aussi, au point où on en est rendu… En fin de compte, on a fortement mis en opposition des réalités qui, dans les faits, ne s’opposent pas du tout.
Quatre axes
Pour bien sentir les nombreuses transformations qu’ont connues les métiers d’art au Québec depuis 1930, les responsables ont privilégié quatre zones de présentation : L’artisanale, où sont regroupées les productions faites main. L’industrielle, qui présente aussi des œuvres faites main, mais à une (courte) échelle industrielle – par exemple, avec l’entreprise Céramique de Beauce, aujourd’hui disparue. L’environnement intérieur, où l’on a fait une belle place à l’École nationale du meuble et de l’ébénisterie de Montréal, qui a été un moteur important et privilégié dans la modernité du design au Québec. D’ailleurs, plusieurs de nos plus grands (presque oubliés aujourd’hui malheureusement) y ont été associés, pensons à Marcel Parizeau, un génial designer et architecte qui a dessiné des meubles exceptionnels, à Elzéar Soucy, qui avait aussi une formation de sculpteur, et à Alphonse Desjardins, pour ne nommer que ceux-là. Vous serez subjugué par la qualité créative de ces artisans qu’on ne peut pas nommer autrement qu’Artistes! La quatrième zone qui ferme l’exposition est l’art visuel. C’est ici que l’on conclut et c’est aussi là que vous constaterez que la frontière créative entre les différentes disciplines – quand elles sont pratiquées par des créateurs de génie – n’existe tout simplement plus.
L’exposition Mutations, Les métiers d’art au Québec depuis 1930 est également présentée au Musée des maîtres et artisans, à Montréal, jusqu’au 31 janvier 2016. Vous y découvrirez le même esprit, mais animé avec des pièces, œuvres et objets différents.
Vous avez donc un double rendez-vous et n’avez donc aucune excuse pour manquer ces deux merveilleuses expositions qui n’en font qu’une. Comme parfois les différentes disciplines artistiques…
(texte complet dans la version papier de Parcours No 87)
Mutations
à Montréal :
Musée Maîtres et Artisans
615, ave Sainte-Croix
Montréal (arrondissement Saint-Laurent)
514 747-7367
À Québec:
Musée de l’Amérique francophone
(Musées de la civilisation)
jusqu’au 31 janvier 2016
2, côte de la Fabrique
Québec, QC
418 643-2158