Entrevue avec Marc Labrèche
Catherine Genest
THÉÂTRE DU NOUVEAU MONDE 84, RUE SAINTE-CATHERINE OUESTMONTRÉAL, QC DU 6 AU 31 MAI 2014, SUPPLÉMENTAIRES DU 3 AU 7 JUINBilletterie + Abonnement | 514.866.8668 |
Comment se réapproprier les planches et le faire en revisitant un rôle joué presque deux décennies auparavant dans une relecture de l’œuvre de jeunesse de Robert Lepage. Entrevue avec un as de la démesure qui s’est offert la retenue en cadeau.
« Ça fait deux jours que je suis revenu d’un atelier de trois semaines où on a fait les premiers enchaînements. Je n’ai pas encore une vue d’ensemble très large sur la pièce, mais je suis sincèrement exalté. » Labrèche est de retour au calme après un marathon de production pour un projet qui le comble de bonheur, dira-t-il. Un spectacle teinté par les mots de Jean Cocteau et les notes de Miles Davis. Un texte d’avant-garde, signé de la plume de Lepage au début des années 1990, qui a pris le pouls du nouveau millénaire à grands coups de recours technologiques sophistiqués. « On n’est plus au stade de la rétroprojection. Sans dire qu’avant c’était plaqué, on peut dire que le langage est plus complexe et qu’il y a plus de profondeur », décrit-il en ajoutant cependant qu’il n’a rien à voir avec la conception, que Lepage travaille en solo ou avec ses scénographes pour la mise en scène. Mais sa confiance en son ami de création est totale et – c’est ce qu’on devine – son admiration pour ce dernier est sans bornes. « Il sait exactement ou il veut mais il ne m’exige pas un ton. »
Têted’affiche incontestable du Théâtre du Trident pour la saison 2013-2014, Marc Labrèche est certes accueilli à Québec en roi. Et force est d’admettre que son envie de se remettre au théâtre n’a pas eu besoin d’être mûrie très longtemps. Du moment qu’il a levé la main – et manifesté son attirance renouvelée pour le médium – les étoiles n’ont pas pris de temps à s’aligner. « J’avais envie de refaire du théâtre, mais je me demandais avec qui. C’est là que j’ai pensé à Les aiguilles, même si je sais que Robert ne reprend jamais ses spectacles. Mais il s’est dit « pourquoi pas ». Et puis on a essayé de trouver des plages horaires disponibles pour travailler ensemble il y a maintenant un an et demi. »
Sans être un voyage dans le temps pour le comédien, le processus de création et d’appropriation du personnage pour Les aiguilles et l’opium flirte avec la nostalgie. Avec du recul – et environ 19 ans de métier en plus – Labrèche s’avoue plus confiant en ses propres capacités de comédien, même si le doute a encore une place dans ses pensées. « Je me sens plus au service de Robert et je ne me sens pas obligé de porter un manteau trop grand pour moi. En toute humilité, je pense que je n’ai plus besoin de justifier ma présence. » En pleine possession de ses moyens, il s’avoue aussi capable de jouer avec abandon. De plonger tête première dans cette histoire de rupture en apparence banale mais qui questionne les dépendances non seulement à la drogue mais aussi à l’amour. « Reste que le personnage de Robert n’est pas lourd à jouer. Il n’étale pas sa peine à tout le monde. Il y a beaucoup d’ironie et d’humour dans son discours. »