Un grand artiste à découvrir
« Voici un texte publié dans, Robert Bernier, Un siècle de peinture au Québec, Nature et paysage, Les éditions de l’homme, 1999 »
Marius Dubois est décédé le 14 janvier 2016
Marius Dubois est né en 1944, à Plessisville. Comme il arrive parfois dans le parcours d’une vie vouée à l’art, le chemin qui mène Dubois à la peinture est sinueux et même contradictoire. Il étudie la sculpture à l’École des beaux-arts de Québec de 1964 à 1968. À cette époque, il pratique un art inspiré des courants du moment, tâtant même de l’abstraction géométrique. Il participe à l’exposition-événement Vacances 68 organisée par le Musée du Québec, à Québec, puis une bourse du gouvernement du Québec lui permet de parfaire ses études à Londres au Hornsey College of Art pendant deux ans. Dubois passe alors de la sculpture à la peinture.
En Europe, il découvre entre autres la puissance de l’imagerie surréaliste de René Magritte et probablement l’univers singulier des peintres symbolistes anglais. Il débute une série d’œuvres où s’édifient rapidement ses propres codes, issus de l’ésotérisme et de l’onirisme. Dès le début de son aventure picturale, l’artiste est fasciné par une approche trouvant sa source dans la qualité des finis des peintres anciens; il opte alors pour une iconographie étrange et insolite. De cette période, le tableau La chasse est un exemple éloquent des paradoxes qui caractérisent alors sa peinture.
De toute évidence, Marius Dubois aime confondre les genres et les gens… Son approche ne suscite pas que des éloges, certains critiques y voient une régression de la peinture; l’approche de l’artiste n’est cependant pas étrangère à ce qui, déjà à l’époque, est une pratique courante, soit le recours à des citations d’artistes ou à des œuvres d’époques antérieures. Cependant, si Dubois a parfois recours à des références historiques directes, comme pour son tableau La sieste, peint en 1971, où l’on reconnaît des éléments de l’imagerie de Magritte, il pratique plus allègrement l’allusion historique. Dubois ne reprend pas comme tel des motifs ou des composantes de tableaux anciens, il s’en approprie l’esprit. De plus, il adopte les mêmes techniques avec minutie, utilisant des matériaux semblables à ceux de l’époque. Progressivement, l’artiste délaisse l’imagerie surréaliste pour entrer de plain-pied dans la Renaissance italienne qui devient pour lui une source d’inspiration privilégiée où il puisera d’ailleurs avec abondance. «En regardant les œuvres de la Renaissance italienne, période sublime de l’histoire de l’art, mes yeux sont attirés de toutes parts et mon esprit est enchanté à la vue de tant de grandeur. Ce n’est pas le côté solennel des œuvres que j’aime le plus, mais ce qu’elles impliquent de conscience universelle…»
Dubois s’inspire en effet de la géométrie et crée des compositions à plusieurs niveaux de profondeur. D’ailleurs, les canons anatomiques des personnages et la représentation des végétaux ne sont pas sans évoquer les façons de faire de Botticelli et de Raphaël. La géométrie ordonne la mise en scène des personnages et des différents éléments qui occupent l’espace pictural. Ses œuvres de la fin des années soixante-dix, sont particulièrement hybrides. Sa peinture, sans cesser de subir l’influence de la Renaissance, s’inspire également des peintres académiques français tels que Jean-Dominique Ingres et David. Ce métissage donne des résultats spectaculaires qui, tout en suscitant la confusion, soulèvent à la fois l’admiration et l’indignation dans la critique. Ainsi, en empruntant une voie différente de ce qui est courant en art contemporain, l’artiste aura réussi à créer une œuvre qui, à l’image de la modernité, mais dans le paradoxe, s’épanouira dans la controverse. Ce qui n’est pas en soit signe de sénilité.
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