C’est avec tristesse que nous apprenons le décès du grand galeriste Jean-Pierre Valentin survenu à la fin de décembre dernier. Il aura été l’un des plus important marchand d’art au Canada, un incontournable de la scène des arts visuels au pays. Il avait un flair incomparable et peut-être surtout, un talent rare pour dénicher des oeuvres exceptionnelles des artistes phares de notre histoire de l’art. Il avait pris la relève de la Galerie l’art français, succédant ainsi à ses fondateurs, Monsieur et Madame Lange. Il a poursuivi les activités de la galerie sur la rue Laurier avant de déménager rue Sherbrooke et de changer le nom pour La Galerie Valentin. Dernièrement il était revenu rue Laurier.
Nous vous proposons un texte parut dans Parcours en 2005 au titre aujourd’hui des plus évocateur, La vie devant et derrière soi : La Galerie de Jean-Pierre Valentin fête cette année son 70e anniversaire ! La photo avait été confiée à Brigitte Henry, qui avait capté Jean-Pierre sautant sur un trampoline.
Voici l’article
LA VIE DEVANT ET DERRIÈRE SOI : LA GALERIE DE JEAN-PIERRE VALENTIN FÊTE CETTE ANNÉE SON 70e ANNIVERSAIRE !
La Galerie l’Art français/Jean-Pierre Valentin célèbre cette année son 70e anniversaire. Cela en fait la galerie la plus ancienne au Québec. L’événement sera d’ailleurs souligné de différentes manières, notamment par une exposition ce printemps qui invite les artistes de la galerie à réaliser une oeuvre sous le thème « 70 printemps » et par la présentation, cet automne, d’une grande exposition de tableaux vendus par la galerie depuis sa fondation par monsieur et madame Lange. De grandes surprises en perspective et, faut-il le rappeler, aucun des tableaux de cette exposition ne sera mis en vente. C’est donc une exposition pour se faire plaisir et découvrir des acteurs importants de notre patrimoine.
Mais ce n’est pas que pour cela que nous avons rencontré Jean-Pierre Valentin. Nous voulions qu’il nous parle cette fois- ci, entre autres, du rôle de la Commission canadienne d’examen des exportations de biens culturels, à laquelle il a dernièrement été nommé commissaire. « Monsieur Valentin, combien de commissaires siègent à la Commission ? » « Dix, plus la présidente, Shirley L. Thomson. Les commissaires sont nommés pour trois ans et le mandat est renouvelable. » « Quel est le rôle de l’organisme ? » « C’est d’abord de déterminer si l’objet que l’on veut donner à l’État est d’importance nationale. Mais attention, ici, le terme “importance nationale” doit tenir compte des particularités régionales du pays. Par exemple, un objet peut être considéré d’importance nationale à Chicoutimi et ainsi être éligible. Une fois cette question réglée, il nous faut établir sa valeur monétaire, sa valeur marchande. Si la valeur de l’objet est supérieur à 10 000 dollars, il est nécessaire de fournil- deux évaluations à la commission; une seule est nécessaire en dessous de 10 000 dollars. Évidemment, devant le moindre doute, le moindre questionnement, nous avons le loisir – et le devoir – de demander des expertises complémentaires. En fait, notre travail consiste à déterminer la réelle valeur marchande de l’objet, et cela est fait très sérieusement. Chaque décision est adoptée par consensus. Contrairement à ce que plusieurs pourraient penser, la Commission étudie tout don fait à l’État, et ce de tout type, du document d’archive au tableau, en passant par des objets d’art, des immeubles et des articles que parfois nous-mêmes sommes étonnés de voir. Quand une telle situation se présente, il nous faut impérativement trouver la meilleure manière d’obtenir un prix juste pour ce don. Il arrive en conséquence que nous devions innover dans la méthode qui nous mènera à déterminer la valeur d’un objet. »
« De quels milieux proviennent les commissaires ? » « Ils viennent de tous les horizons : il y a des libraires, des archivistes, des marchands d’art, des collectionneurs, etc. Il est essentiel, pour que nous puissions nous assurer chaque fois de remplir notre mandat avec exactitude et célérité, de pouvoir compter sur les expertises complémentaires de spécialistes issus de différents domaines. »
« Parlez-nous un peu de l’ADAC, l’Art Dealers Association
of Canada (l’Association des marchands d’art du Canada). Vous en avez présidé les destinées dînant quelques années, si je ne m’abuse ? » « Oui, de 1981 à 1985. Cette association regroupe aujourd’hui plus de 70 membres dans tout le pays. » « À quoi sert une telle association ? » « Pour les membres, d’abord, elle impose un code de déontologie très strict auquel ils doivent impérativement se conformer. Aussi, elle offre une aide monétaire et logistique pour présenter des expositions à l’étranger, des contacts gouvernementaux très précieux, une expertise conseil solide pour les évaluations, des tarifs imbattables pour ceux qui voudraient annoncer dans certains journaux et magazines. En somme, l’ADAC peut servir à trouver parmi ses membres le mieux qualifié pour une expertise particulière. » « Quelles sont les exigences pour en faire partie ? » « Je ne pourrais pas toutes vous les énumérer, mais, entre autres, il faut avoir présenté des expositions depuis au moins cinq ans et démontrer que l’on est solvable. Par ailleurs, il faut être parrainé par l’un des membres. Il arrive que l’Association mène une enquête relativement approfondie avant d’accepter un membre. H est déjà arrivé que des membres soient expulsés, mais de manière générale, je dirais qu’à 98 % les problèmes sont réglés à l’amiable entre les parties. C’est ce qui est intéressant avec cette association : elle est là aussi pour protéger le consommateur. Les plaintes sont traitées avec diligence, et le marchand doit montrer patte blanche. »
« J’aimerais en terminant revenir à votre galerie. Si elle célèbre cette année son 70“ anniversaire, de toute évidence, vous n’y avez pas été associé depuis ses débuts. Depuis quand en tenez-vous la barre ? » « Cela va faire trente ans l’an prochain que j’ai pris les rênes de la galerie et, fait amusant et significatif, plusieurs artistes font affaire avec moi depuis les débuts et même avant, dans certains cas, comme pour Lauréat Marois. Louise Scott, Tanobe et, peu de temps après, Henry Jones sont aussi des altistes avec lesquels je transige depuis cette époque. » « En quels mots décririez-vous le mieuxvotre galerie ? » « Comme un lieu qui unit les artistes majeurs et historiques de la peinture d’ici aux peintres qui aujourd’hui renouvellent cette forme d’expression tout en demeurant dans une certaine mesure dans la tradition picturale du Canada et du Québec. Et puis, vous savez, diriger une galerie est quelque chose d’éminemment personnel. C’est avant tout une question de choix. »
Robert Bernier
Voir une video du Musée national des beaux-arts du Québec ICI