La face cachée de l’art moderne
Le nom d’Hilma af Klint ne vous est pas familier? Normal et pourtant. Pourtant, on ne lui doit rien de moins que d’être la véritable pionnière de l’art moderne! En effet, elle peint le premier tableau abstrait dès 1906, quatre ans1 avant celui de Vassili Kandinsky, celui que l’histoire considère comme le premier peintre abstrait. Comment expliquer que Hilma af Klint soit demeurée dans l’anonymat jusqu’au début des années 1980? Suivons le fil…
Naissance et famille
Hilma af Klint est née en 1862 au château de Karlberg, à Stockholm, en Suède. Son père, Fredrik Viktor af Klintn (1822-1898), est militaire dans la Marine royale suédoise. Il enseigne à cette époque à l’Académie militaire qui se trouve au château de Karlberg, cette ancienne résidence secondaire des familles royales de Suède que Gustave III (1746-1792) a convertie en Académie militaire royale l’année de son assassinat. Mais ça, c’est une autre histoire…
Une expression des deux côtés du miroir
La peinture d’Hilma af Klint avait deux facettes… Une de ses approches était tout à fait classique et académique, inspirée à la fois de sa passion pour la botanique et la nature ainsi que de ses étés passés sur l’île de Adelsö sur le lac Mälaren. Des paysages rondement exécutés, mais sans grand intérêt pictural. C’est cette production que les gens de son époque connaissaient, car c’est ce qu’elle présentait en public. Son autre approche inspirée du spiritisme (et non sans rapport avec sa passion pour les mathématiques) demeurait, elle, sans jeu de mots, occulte…
Le groupe « de Fem »
Un évènement dramatique survient au moment où Hilma commence ses études en art à Stockholm. Sa jeune sœur Hermina meurt à l’âge de 10 ans. Profondément marquée par son décès, Hilma commence à s’intéresser à tout ce qui a trait à la spiritualité, ce qui marquera profondément sa vie entière et… son œuvre. À l’Académie des beaux-arts, où elle entreprend des études supérieures, elle fait la rencontre d’Anna Cassel avec qui, quelques années plus tard, elle formera avec trois autres femmes le Groupe de Fem (les Cinq).
La spiritualité dans l’art. L’appel de l’invisible
À la fin du XIXe et au début du XXe siècle, la spiritualité et le spiritisme étaient souvent associés aux avant-gardes, d’une part. D’autre part, nous sommes à la Belle Époque, période qui précède la première Grande Guerre. Une époque effervescente où le monde connaissait de (très) grandes transformations (les années 1960 au carré). Les inventions fusent : téléphone, rayon X, télégramme… Le monde de l’invisible se révélait (qu’en est-il aujourd’hui avec le monde quantique et ainsi de suite chez nos artistes?). Tout cela allait de pair avec un renouveau de la spiritualité. Vassili Kandinsky tout comme Hilma af Klint étaient des adeptes du théosophisme6, une philosophie qui se rendra jusqu’à nous sous l’appellation New Âge.
Aujourd’hui un œuvre célébré
Après la conférence Nordik, à Helsinki, où son œuvre abstrait fut mis à jour, ses tableaux furent présentés à maintes reprises, et ce, à travers le monde, à commencer par la grande exposition The Spiritual in Art: Abstract Painting 1890-1985, organisée par Maurice Turchman au Los Angeles County Museum of Art en 1985. Puis plusieurs expositions de groupe dans différents grands musées du monde. Et des solos à Munich, aux Pays-Bas, à Stockholm, à Berlin, à Malaga, en Louisiane, et une présence remarquée à la grande exposition de la 55e Biennale de Venise en 2013. À quand une exposition chez nous?
Robert Bernier
(ce texte est un résumé de celui de la version papier)