Pierre Gauvreau, Les vacances d’un cyclope, 1979,acrylique sur deux panneaux de bois, 244 x 244 cm ©Gauvreau/SODRAC 2004
UN GESTE SOCIAL POUR UNE NOUVELLE LECTURE DE L’ŒUVRE PLURIDISCIPLINAIRE DE CE GRAND CRÉATEUR QUÉBÉCOIS
Québec, le 12 janvier 2012. – Le Musée de la civilisation à Québec a reçu une donation extrêmement significative provenant de la collection personnelle du créateur Pierre Gauvreau, disparu le printemps dernier, et de sa femme, Janine Carreau. L’annonce a été faite ce matin, au Centre d’archives de Montréal, par le directeur général du Musée de la civilisation, M. Michel Côté, en présence de la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, Mme Christine St-Pierre, et de Mme Janine Carreau, entourée d’amis proches du milieu des arts.
Cette donation est d’une grande importance pour l’institution muséale nationale, car elle embrasse toute la pensée artistique et par le fait même, la pensée sociale de Gauvreau. Treize tableaux significatifs de l’artiste, qui s’échelonnent sur 67 ans, auxquels s’ajoutent ceux réalisés avec sa femme, dont un initié par Charles Binamé, leur ami de bientôt quarante ans. Des dessins de son frère Claude et de ses amis de toujours Marcel Barbeau et Jean-Paul Mousseau, une décalcomanie de 1945 de Jean-Paul Riopelle, des œuvres de Janine Carreau, Raôul Duguay, Luc Guérard, Serge Lemoyne, Michel Pimparé et Roch Plante (Réjean Ducharme), ainsi que des bannières de Lise Nantel et Marie Décary composent le corpus de 54 pièces d’art contemporain faisant le pont avec les 50 œuvres d’art populaire. Le couple Carreau-Gauvreau affectionnait particulièrement cette forme d’expression artistique et a acquis plusieurs œuvres d’Edmond Chatigny, d’Albert Deroy, de Marie-Anna Voisine et de Bruno Champagne, le dernier artiste rencontré, mais non le moindre. Ainsi, le Musée de la civilisation se voit remettre une donation totalisant 104 magnifiques pièces.
Lors de son allocution, M. Côté a insisté sur le fait « qu’il faut regarder au-delà de l’aspect esthétique de l’œuvre de Pierre Gauvreau. Grand créateur et cosignataire du Refus global en 1948, il avait une vision originale et critique de la société québécoise qu’il a manifestée au cours de sa vie de différentes manières, que ce soit par sa peinture, par ses écrits ou encore par son mécénat auprès de différents artistes. Cette donation permettra au Musée de la civilisation de procéder à une lecture et à une intégration nouvelles de l’œuvre pluridisciplinaire de cette personnalité marquante du XXe siècle au Québec afin d’en faire ressortir toute la portée sociale. À court terme, cela se traduira par une mise en valeur de certaines pièces de la donation dans l’exposition permanente Le Temps des Québécois, qui présentait déjà une toile de Gauvreau, tandis qu’à plus long terme, le Musée réalisera une exposition sur son univers de création en 2013.
Pour sa part, Mme Carreau a exprimé avec beaucoup d’émotion que ce qui l’a menée à choisir le Musée de la civilisation est avant tout le résultat d’une rencontre. « Une rencontre avec quelqu’un qui voit, qui comprend et qui agit. Peu avant le décès de Pierre, nous avons rencontré le directeur général du Musée de la civilisation, M. Michel Côté, qui nous a proposé une exposition d’envergure sur l’œuvre de Pierre. Son approche de recréer l’environnement de Pierre Gauvreau pour tenter de le comprendre nous a profondément touchés. Après neuf mois de silence, dans un contexte de départ imminent, dans les deux jours qui ont suivi cette discussion, Pierre a trouvé l’énergie de peindre ses derniers tableaux. Il a cru Michel Côté et sa «promesse d’une grande expo» l’a accompagné et soutenu jusqu’à la fin », a souligné Mme Carreau.
« Par la suite, après que l’institution muséale ait accepté mon offre d’intégrer des œuvres de notre collection à la grande collection nationale, c’est avec un grand enthousiasme que les conservateurs du Musée et moi avons composé le corpus de la présente donation. Je n’ai jamais pensé que nos œuvres (même Les cadavres exquis), ainsi que celles des artistes contemporains et des artistes autodidactes figurant dans notre collection, entreraient au Musée aussi rapidement et de si agréable manière. Inespéré et inattendu… comme dit Réjean Ducharme présent dans cette donation sous le pseudonyme de Roch Plante, a poursuivi Mme Carreau. Je suis vraiment comblée par la sélection finale retenue par les gens du Musée et surtout, je suis touchée qu’ils aient si bien compris le sens global de nos quêtes », a-t-elle conclu.
Gauvreau : l’artiste citoyen
La donation faite au Musée de la civilisation est représentative de plusieurs époques charnières de la production de Gauvreau comme Nature morte de 1941, qui l‘a mené à rencontrer Paul-Émile Borduas; Air Raid dernière toile exécutée avant le hiatus 1963-1976, année où il reprend ses pinceaux et peint Stupéfait, je l’ai vu!
Mais sa pertinence réside également dans la grande sensibilité de Gauvreau envers son environnement social, lui qui se réclamait du droit ultime d’être tout ce qu’il était et de choisir le moyen d’expression qui lui convenait le mieux selon les périodes et les situations. L’une des plus impressionnantes pièces offerte au Musée, tant par son format (244 cm X 344 cm) que par sa signification, est sans doute À titrer, faite au lendemain du référendum de 1980, à partir de morceaux de drapeaux du Québec ramassés dans les rues de Montréal. Les Québécois ignorent son existence, elle a été vue dix jours dans un CEGEP en 1980, puis, il y a trente ans, à Toronto! Dans toute sa carrière de peintre, Pierre Gauvreau a participé à plus de 200 expositions dont la plupart se sont tenues après 1976. La toute dernière, conjointe avec Janine Carreau, est présentée à la BARON Gallery de Vancouver, jusqu’au 28 avril 2012.
Grâce à sa peinture, à son rôle de précurseur à Radio-Canada et à Radio-Québec (aujourd’hui Télé-Québec), grâce à la portée de ses écrits (Le temps d’une paix, Cormoran, Le volcan tranquille), Pierre Gauvreau aura laissé une trace indélébile sur le Québec moderne.
Source : Musée de la Civilisation





13 Jan 2012
Posted by Parcours

