Avec Podz
Texte de Martin Gignac
Ses films ne vont peut-être pas encore à Cannes, à Venise ou à Berlin, mais Podz est déjà une valeur sûre du cinéma québécois, alors que ses œuvres rivalisent avec les meilleures de Xavier Dolan et de Denis Côté.
En promotion pour Miraculum, Podz – le pseudonyme de Daniel Grou – a le regard clair, la voix vive. C’est qu’il l’aime ce film choral, sa «bibitte» comme il le dit, qui lui permet d’explorer à nouveaux ses préoccupations passées et présentes : les faiblesses de l’âme humaine, le rôle du destin, l’être à la croisée des chemins devant des décisions qui risquent de bouleverser son existence.
Un choix conséquent dans un curriculum déjà bien rempli. « Quand je lis quelque chose, j’ai parfois le goût de voir ça à l’écran, de mettre ça en scène, explique-t-il en entrevue. C’est un engouement, une passion qui naît et c’est vraiment instinctif… C’est comme quand tu vois une fille, si tu flashes dessus ou pas. Tu ne sais pas trop ce qu’elle a, mais elle te parle. Il y a quelque chose à un moment donné qui se passe. »
Une fois cette première rencontre, souvent magique, tout s’enclenche. « Il y a des images qui entrent, je commence à noter des choses dans la marge, poursuit le réalisateur. Ça mijote dans ma tête et ça ne s’arrête pas jusqu’au jour du montage. »
C’est pendant cette période que prennent vie les videurs de bar de Minuit le soir et les policiers de 19-2, le père assoiffé de vengeance des Sept jours du talion, le gamin précoce de 10 et demi, l’homme accusé de viol de L’affaire Dumont et les personnages qui errent comme des fantômes de Miraclum. Des individus qui peuvent être laids mais qui deviennent émouvants au contact de ce regard empreint d’humanité et de poésie.
« Tout le monde est beau, tout le monde a quelque chose, trouve le cinéaste. Pour traduire ça de façon visuelle, je fais bien des tests de caméra, de lentilles… Il y a la beauté plastique qui nous attire, mais il y a aussi la beauté du regard, l’attitude, ce que le monde incarne. J’aime ça me concentrer là-dessus, aller capter ce que les gens dégagent. »
Évolution progressive
C’est ce que Podz fait depuis l’époque où il était spécialisé dans la publicité et les vidéoclips. Peu importe le projet télévisuel ou cinématographique, la forme et la nature du médium, le metteur en scène continue à jouer dans son terrain de sable pour parfaire ses obsessions thématiques.
« Je ne sais pas si je suis une personne différente entre Les sept jours du talion et Miraculum, mais peut-être que les préoccupations s’aiguisent un peu plus avec le temps, admet le metteur en scène. C’est dur d’évaluer son propre chemin. Mais je remarque des choses qui restent depuis que je suis tout petit, quand j’écrivais à l’adolescence et avant ça. Des choses qui sont là depuis longtemps et qui ne nous quittent pas. »
Il continue bien entendu toujours à essayer et à se mettre en danger. Des magnifiques images plastiques des Sept jours du talion, sa réalisation devient brute et extrêmement réaliste pour 10 et demi. Même son refus d’utiliser de la musique est relégué aux oubliettes pour Miraculum où elle berce continuellement l’action et les situations.
« J’ai découvert l’aspect sonore sur ce film, confie son créateur. J’ai beaucoup travaillé sur le mix, les silences, les moments de contemplation. On dirait que j’ai poussé là-dessus et je suis bien content du résultat. C’est quelque chose que je veux continuer à explorer. Je trouve que ça contribue vraiment à l’impact total du film, d’une façon que je n’avais pas envisagée. »
Continuer sans nommer
Alors qu’il est souvent possible de déterminer l’effet des monstres sacrés du cinéma sur des réalisateurs (ils sont nombreux les cinéastes québécois à avoir pris Gus Van Sant et Lars von Trier en exemple), Podz se plaît à jouer à l’Hydre et à brouiller les cartes et les références.
« Tout est mélangé, reconnaît-il. C’est comme un smoothie. Tu mets un paquet d’ingrédients dans le blender et c’est ça qui sort. Ce sont toutes ces influences qui entrent, que ce soit le cinéma, les documentaires, les livres, les magazines, la musique. » En bout de ligne, le cinéphile obtient une œuvre qui ne peut qu’être signée Podz.
Il y en aura plusieurs autres dans le futur, même si le principal intéressé ignore pour le moment l’aspect qu’elles prendront. « Mais j’ai l’impression que ça s’en va dans la même lignée », assure-t-il. La métamorphose sera donc pour un autre jour chez cet homme dont la filmographie impressionne de plus en plus.
Voir la critique de, Miraculum de Martin Gignac ici.