Posséder une œuvre d’art est un plaisir pour les sens, mais au quotidien tout collectionneur le sait, pour sa préservation, celle-ci requiert des soins qui ne peuvent être laissés au hasard. Tout objet ou œuvre d’art demeure vulnérable. Veiller à la sécurité de ce patrimoine est notre responsabilité. Bien entendu, l’on pense au vol, au vandalisme…certes ces menaces sont réelles, mais au quotidien rode des agresseurs, qui agissent sans que l’on ne soupçonne quoi que ce soit : l’environnement de l’œuvre et…nous.
Toute œuvre d’art est vivante, elle réagit à son environnement et lors d’instabilité elle en subit, au cœur de sa matière, de sa structure, les variations et les conséquences. Tout ceci passe inaperçu à notre échelle, mais confrontés à des variations du taux d’humidité et de température ses matériaux se dilatent, se contractent, se ramollissent, se fendillent… L’œuvre s’adapte et cherche à se mettre en équilibre avec son environnement…au départ tout va Madame la Marquise, mais avec le temps et trop de sollicitations, l’œuvre se « fatigue » et ses matériaux présentent des signes de perte de cohésion, ils s’affaiblissent, se rompent… Alors des signes d’atteintes nous deviennent perceptibles… Qu’est-ce que ces craquelures ? Ces déformations ? Ces pertes de matière ?… Voilà de très bonnes raisons d’offrir un environnement climatique stable à nos œuvres d’art afin de les prémunir de telles atteintes traduisant leur vieillissement prématuré.
Malheureusement, l’humidité relative et la température ne sont pas les seuls facteurs qu’il faut craindre. L’éclairage et le soleil peuvent causer des dommages irréversibles aux matériaux d’une œuvre. Les polluants domestiques et atmosphériques également menacent les œuvres tout comme les chocs et les vibrations. Et que dire des ravageurs : insectes, moisissures, etc. Tous ces agresseurs entrainent l’apparition de dommages. Et nous, humains responsables… nous pouvons par nos gestes ou décisions menacer directement la pérennité du bien culturel et causer des dommages brutaux portant atteinte à l’intégrité et à la valeur marchande d’une œuvre d’art. Ces mauvaises décisions menaçant les œuvres peuvent concerner leur accrochage, leur encadrement, leur entreposage inadéquat, leur usage, leur entretien, leur exposition, leur transport ou encore l’absence d’un plan d’urgence en cas de sinistre. Certes, tout ceci peut sembler affligeant et fastidieux, mais il n’en est rien. Le proverbe populaire vaut également pour la conservation des objets et œuvres d’art : « Mieux vaut prévenir que guérir ». La connaissance des mesures d’une approche de conservation diligente et son application est à la portée de tous. En matière de conservation des biens culturels, la prévention est la mission d’une discipline apparue dans les années 1990, La Conservation Préventive. Elle a comme objectif la planification de mesures visant la prolongation de la vie des œuvres et conséquemment, la prévention de dégradation accidentelle ou de vieillissement prématuré.
La conservation préventive relève du « gros bon sens » et tient compte de la sensibilité et de la fragilité des matériaux constituant une œuvre. Est-il judicieux d’accrocher cette jolie aquarelle au mur faisant face à la fenêtre ? Puis-je entreposer sans crainte une œuvre dans la remise ou le grenier non chauffé en hiver et surchauffé en été ? Quels paramètres climatiques doivent être recherchés pour assurer un environnement sécuritaire aux œuvres d’art tout en apportant mon propre confort ? Quels soins d’urgence dois-je apporter à mes œuvres d’art suite à un incendie, à une inondation ? Voilà quelques exemples de questions auxquels le domaine de la conservation préventive apporte conseils et recommandations. Parcours, sensible et conscient de l’importance de la diffusion de ces connaissances, offrira dorénavant une chronique régulière abordant une sélection de thèmes d’intérêts généraux touchant la préservation des biens culturels.
Ann Marlène GAGNON
Conservatrice — Restauratrice Beaux-Arts
L’Atelier du Patrimoine.
514 884-7280