Né en 1969 à Toronto, Ross Bonfanti sort diplômé de l’Ontario College of Art and Design en 1997. Reconnu sur la scène artistique ontarienne, ses œuvres, diffusées surtout au Canada, en Angleterre et aux États-Unis, font partie de collections contemporaines telle que la collection nationale du Conseil des arts de la Banque du Canada.
À Montréal, c’est la galerie Saint-Dizier qui présente son travail depuis 2011 et, en particulier, ses Concreatures dont la traduction la plus fréquente au Québec est « peluches gelées ». Pourtant, je parlerais plutôt de concrétudes, pour exprimer cette façon qu’a l’artiste de rendre concret, tangible, incarné dans la matière dure et indestructible les compagnons d’enfance que sont les animaux en peluche.
Les jouets de la petite enfance représentant des attachements et des liens identitaires. Le travail artistique de Bonfanti est réalisé à partir des objets recyclés ou récupérés coulés dans du ciment, matériau sur lequel se collent les traces de revêtement de fourrure synthétique. L’imaginaire et la trace concrète se rejoignent alors.
« Les Concreatures sont ce qui nous reste en mémoire, les formes de nos peluches anciennes. Ces animaux-jouets sont comme pétrifiés pour en rendre toute la solidité, dont toute leur importance dans nos mémoires d’adultes. Je les crée à partir de jouets récupérés, en manipulant les pièces et les articulations pour redéfinir leur vocation première. »
Le premier coup d’œil sur les œuvres de Bonfanti offre à la vue l’image d’un jouet usé. En s’approchant, l’expérience passe du ludique au poignant. On pourrait voir la torsion du corps en souffrance, l’aspect déformé du jeu trop vieux, l’arrachement des peaux, la froideur du béton, la paralysie de l’enfance. Le contraste entre la dureté du médium et la tendresse du sujet déroute même quelquefois. C’est d’ailleurs ce que l’artiste cherche à transmettre.
« Chaque pièce présente simultanément le doux et le dur, le mignon et le dégoûtant, le familier et l’étrange, le confort et le questionnement. Les jouets sont souvent utilisés comme l’exutoire extérieur des névroses, angoisses et peurs du petit d’homme pour fournir un compagnon, un confident et une présence immuable. Mais mes Concreatures parlent d’une autre intention, d’un autre état : celui de la statue, de la permanence, voire du trophée. »
Certaines sculptures deviennent totémiques par l’empilement des animaux de taille décroissante. Bonfanti incorpore divers éléments composites et différenciés, propose des montages et assemblages souvent humoristiques au premier abord, mais qui peuvent tout autant évoquer le lien issu de l’affection que le vide venu de la souffrance de l’absence ou de la séparation.
Avec ses dernières créations cimentées, le travail de Bonfanti reste axé sur le travail de la petite enfance face à la transformation inéluctable du temps. Mais il s’oriente de plus en plus vers une symbolique de l’empreinte émotionnelle du tout-petit, celle du lien entre permanence affective et impermanence relationnelle. L’attachement premier à la mère, l’amour primitif du nouveau-né vers le sein maternel, l’amour inconditionnel des premiers jours semblent préoccuper l’artiste. Comment retrouver ces souvenirs uniques, comment se replonger dans la quiétude innocente de l’enfance, comment retrouver la sécurité première ? Bonfanti a choisi de pétrifier ses souvenirs, de les figer dans une posture sculpturale pour mieux se contempler, pour échapper à l’oubli du temps qui passe et à la décrépitude matérielle qui en résulte.
Galerie Saint-Dizier
Par Nadia Nadège