Après avoir vu les œuvres de Renée Béland à la Maison des arts de Laval, je me suis demandé pourquoi je n’avais jamais vu ses œuvres avant ce jour. Pourtant, les réseaux de diffusion en arts visuels sont plus nombreux qu’il n’y a pas si longtemps encore et mieux organisés.
Voici le mot clé : réseau. La diffusion s’est tissée en arts visuels par réseaux. Renée Béland a emprunté, comme beaucoup d’autres personnes qui ont fait leurs études en art dans les universités québécoises, celui des centres d’artistes et des centres d’exposition. Un réseau bien établi avec des salles et des équipements de qualité, mais qui souvent a peu de moyens et pas de lien avec les autres réseaux existants. Ainsi, la diffusion se fait en parallèle les uns à côté des autres. Un artiste peut faire une carrière entière dans un réseau et être inconnu des autres, chaque réseau ayant ses particularités et ses exigences. Mais une question se pose : les artistes sortent-ils gagnants de ce cloisonnement ? Leurs œuvres ne pourraient-elles pas voyager de l’un vers l’autre ?
Chose certaine, la production de Renée Béland est surprenante de créativité et de qualité. Une approche qui étonne, surprend, interroge et séduit et que tous les amateurs d’art gagneraient à connaître.
Elle s’exprime depuis plusieurs années déjà autour du thème des animaux de compagnie. Renée Béland travaille avec des matériaux recyclés comme des attaches à pain, des pierres du Rhin, des billes à collier, des craies. « Comme je n’habite pas à proximité de magasins de matériel d’artiste, j’ai cherché à être le plus autonome possible dans le choix de mes matériaux. Et puis j’ai des préoccupations écologiques certaines. » Et ce qui surprend et ravit est précisément sa façon d’intégrer ces matériaux. Par exemple, les attaches à pain évoquent à la fois la mosaïque de Ravenne et le motif que l’on retrouve dans les œuvres florentines.
L’utilisation éclairée que fait l’artiste des matériaux hétéroclites conduit son expression sur les terres à la fois du Pop Art et de l’art populaire, ce qui n’est pas sans ajouter au plaisir que l’on éprouve au contact de ses œuvres. Un plaisir qui se poursuit par sa thématique elle-même, les animaux de compagnie et l’humanisation dont ils sont de plus en plus l’objet dans nos sociétés civilisées. « Inspirée par l’univers du chien, ma recherche consiste à explorer les constantes de la relation établie entre les races humaine et canine. Parfois perçue sur un même piédestal, chacune se confronte ou se complémente par des situations émotives ou par des éléments consommés, jouant alors un rôle essentiel à la compréhension de la nécessité qu’exerce l’animal à la survie de l’individu, dans la société actuelle. Quel élément peut donner plus d’importance à un chien qu’à une personne ? Cette question est essentielle à la compréhension de mes œuvres, étant donné qu’elle démarre chaque élaboration. Rapport affectif, attirance sociale, objet de rareté, zoothérapie, outil de travail, de par ces éléments, mes images tentent de définir les raisons poussant ainsi un individu à se vouer un culte autour d’un membre de la race canine. »
Deux autres éléments sont particulièrement importants parce qu’ils ont une incidence directe sur la lecture que l’on fera de ses œuvres : le format, souvent rond, et la couleur. Ainsi, si l’on s’attarde à la manière dont l’artiste nous présente son sujet dans la série présentée à la Maison des arts de Laval, particulièrement les œuvres réalisées sur un support rond, cela nous renvoie, à juste titre si l’on considère le thème, à un objet intime portant l’effigie de l’être cher comme le camée ou un sautoir avec la photo de l’être aimé. L’humour ici brille par sa subtilité et sa justesse et propulse ses œuvres parfois dans un univers bigarré. « Je m’inspire de l’humour d’artistes tels que Maurizio Cattelan, William Wegman, Jo Fafard et l’artiste français Space Invader. J’utilise une technique formulée de « bricolage savant », qui consiste à élaborer des œuvres colorées par l’utilisation de matériaux loufoques, non conventionnels et récupérés. Cette élaboration soignée donne un côté sérieux aux représentations trop raffinées pour être considérées innocentes. »
Pour les œuvres rectangulaires, la mise en scène est plus accessoire, elle sert de faire-valoir à l’ensemble, c’est-à-dire qu’elle met en évidence les matériaux utilisés et l’esprit qui s’en dégage et surtout, elle renforce la présence de la couleur, chère à l’artiste. « Je peux passer des nuits blanches parce que je sais qu’une couleur n’est pas celle que je souhaite. »
Fondamentale la couleur dans l’œuvre de Renée Béland. Essentielle parce que l’artiste inscrit par son intermédiaire ses émotions, ses humeurs… Et c’est par celle-ci que vous, comme spectateurs, ferez les premiers pas vers son œuvre ou la jonction. C’est ce qui attache l’ensemble de sa pensée et de sa passion pour l’art, le liant d’un ensemble. Son utilisation de pigments scintillants et prismatiques est fantastique et renforce l’idée du tag sans pour autant en être.
Une façon de voir la direction artistique de Renée Béland serait de la voir comme une DJ des arts visuels ce qui semble très bien définir son approche, son processus et surtout, ce qu’elle est, elle, comme femme et comme artiste. Car l’essence de son approche repose sur le fait qu’elle mixte ensemble dans chacune de ses toiles et de ses installations plusieurs sources d’influences venant d’esprits et de temps très différents pour ultimement en faire ressortir quelque chose de fondamentalement personnel.