« Pierre le peintre-né. La peinture révolutionnaire la plus sereine qui soit. Aurore ou soleil couchant. Dans un coin d’ombre fraîche, je vois la danse tranquille des fantômes familiers sur un ciel de feu. C’est la détente dans l’oasis inespéré. L’ordre imprévu d’un monde neuf dans la vieillesse aigrie de celui qui nous entoure. »
Paul-Émile Borduas, Indiscrétions (1947-1948)
Pierre Gauvreau est un créateur hors du commun qui a passé sa vie à préserver ce qu’il a de plus de précieux, sa liberté. Être libre, c’est plus qu’un mot dans son existence, c’est un état d’être et d’esprit. Son indépendance s’unit à sa capacité d’indignation face à l’absurde, faisant de lui un créateur exceptionnel. Polyvalent, curieux, il a manifesté tôt son désir de s’exprimer par la voie de plusieurs canaux, ce qui a certainement contribué à la réalisation d’un œuvre inestimable et varié qui a marqué notre société. Cette multidisciplinarité a été perçue comme suspecte par certains. Pendant plusieurs années, et aujourd’hui encore, il semble que le milieu des arts visuels ait encore du mal à le classer. Peintre ? Réalisateur ? Producteur ? Scénariste ? Pourquoi choisir une étiquette ? Pierre Gauvreau est un tout. Heureusement les nouvelles générations ont l’esprit plus large. Aujourd’hui, être multidisciplinaire n’est pas une exception, c’est une règle, une quasi-nécessité.
Un créateur a besoin d’être nourri. Et l’appétit de Pierre Gauvreau est à l’image de sa création depuis le début des années 1940. Il participe aux rencontres organisées par Paul-Émile Borduas dès 1941; à l’exposition Les Sagittaires, en 1943 à la Galerie Dominion; à toutes les expositions du groupe de Borduas. Il présente son premier solo dans l’appartement familial en 1947. Il entre au service de la télévision de Radio-Canada en 1953 dès le début de cette grande aventure télévisuelle (il quitte Radio-Canada en 1968 pour Radio-Québec où il occupera le poste de directeur de la réalisation). Il travaille également pour l’Office national du film du Canada, de 1970 à 1972, puis devient par la suite pigiste. « En septembre 1972, je suis stagiaire à l’Office national du film, sur l’équipe d’Anne-Claire Poirier. Pierre Gauvreau lui, est directeur de la production française (…) Quelques années plus tard nous choisirons de partager notre vie.
Une vie axée sur la création (…) », raconte sa conjointe et complice Janine Carreau1. Artiste elle aussi, ils partagent cette même passion pour l’esprit surréaliste, ce même engouement pour la peinture. De l’époque où il fait la rencontre de Janine Carreau, Pierre Gauvreau dira : « j’allais avoir cinquante ans, je me suis dit : qu’est-ce que je fais de mes cinquante prochaines années ? Puis j’ai démissionné, je me suis remis à la pige. Je voulais retourner à la réalisation et à la peinture2 ». Il se remet à la peinture en 1976. Comme peintre il est animé par l’expérience consciente et inconsciente de la vie. Il absorbe, accumule ses expérience avec la matière, la surface, s’inspire aussi de ses autres passions, ce qui, le moment venu, lui permet d’exprimer un sentiment intérieur qui le révèle avant tout à lui-même. Il transforme l’inconscient en action consciente.