La restauration réinventée
Nathalie RoyQu’il s’agisse de la remise en l’état d’un bâtiment patrimonial ou de sa réinvention par une approche formelle plus intuitive, il est question d’apporter à la mémoire collective une dimension nouvelle. L’architecte Josette Michaud s’avère être un passeur-clé.
Chargée de plusieurs projets de restauration et de mise en valeur de bâtiments et de sites patrimoniaux chez Beaupré Michaud et Associés, Architectes, Josette Michaud est la première femme à avoir occupé la présidence de l’Ordre des architectes du Québec, de 1992 à 1994. La firme d’architecture contemporaine qu’elle a fondée en 1982 avec son conjoint et associé, Pierre Beaupré, joue un rôle primordial dans la conservation du patrimoine bâti au Québec.
Elle et Pierre Beaupré ont reçu, en 2013, le prix Robert-Lionel-Séguin de l’association Amis et propriétaires de maisons anciennes du Québec. Ce prix souligne leur apport dans la renaissance des bâtiments anciens, dont le mythique Théâtre Corona. Récemment, ils recevaient le Prix Opération patrimoine architectural de Montréal 2014, pour la restauration exceptionnelle du monastère des Carmélites.
En 1977, Josette Michaud obtenait la toute première Bourse d’exploration ‘A’ en architecture du Conseil des arts du Canada. Cet appui financier lui a permis de se consacrer à l’écriture de Montréal ma grand’ville , un ouvrage destiné aux enfants, et à l’illustrer. Plus tard, elle récidivait avec une série de six fascicules sur l’architecture du Vieux-Montréal . Sa voix dans l’écriture et le dessin témoigne de la volonté de faire rayonner l’architecture, l’art et le patrimoine, dans tous les registres.
Saisir le lieu, capter l’histoire
« Comme la nature, l’architecture nous façonne à notre insu. Or, ce rapport avec l’architecture est incessant », soutient l’architecte. Si de tout temps on intervient sur des bâtiments anciens, pour les modifier ou en récupérer des éléments, comme à la place du Capitole, à Rome, cela soulève la nécessité de saisir non seulement l’espace sous tous ses angles mais aussi l’environnement dans lequel il se trouve. »
Madame Michaud a beaucoup d’intuition et de succès dans ses recherches. « C’est un travail qui confronte ce qui subsiste en place avec l’analyse de plans et devis d’origine; ce travail se fait en étroite collaboration avec les archivistes », commente Josette Michaud qui compare son rôle à celui de l’archéologue. Au cours de relevés, étape essentielle à la compréhension d’un bâtiment, elle aussi retranche et annote, couche après couche, les traces laissées par l’occupation humaine : ainsi la Maison Nivard-De Saint-Dizier construite en 1710, devenue un musée et un centre d’archéologie, a été épurée de siècles d’ajouts. La « déconstruction » révèle maintenant une architecture du Régime français dans toute sa simplicité.
La restauration du monastère des Carmélites l’a profondément marquée. « J’ai eu la chance immense d’y accéder chaque semaine, pendant huit années. Je me suis imprégnée de ce lieu auquel peu de gens ont accès, tel le préau de facture néo-gothique où règne une telle sérénité! J’ai surtout eu le privilège de côtoyer les femmes admirables qui y vivent dans une austérité joyeuse », ajoute l’architecte. Partout, les espaces sont organisés méticuleusement selon une tradition qui remonte au XVe siècle. À l’extérieur, les travaux de restauration de murs de pierres et du toit d’ardoises ont été faits selon les techniques anciennes de construction. À l’intérieur, dans la chapelle, la restauration a donné lieu à d’ingénieuses solutions. Les œuvres marouflées qui couvraient la voûte en ogive étaient irrécupérables. Heureusement, les motifs géométriques réalisés au pochoir en 1945 présentaient peu de valeur artistique. Des transcriptions ont été faites, puis imprimées sur du tissu avant d’être tendues devant l’isolant acoustique, améliorant du coup les qualités sonores de l’espace.
La conversation glisse ensuite de l’acoustique vers le champ sonore et la musique, cet art occupant dans la vie de Josette Michaud une place égale à celle du patrimoine architectural… Cela proviendrait-il de souvenirs de sa grand-mère Juliette Hébert, organiste titulaire de l’église Saint-Henri au début du XXe siècle?
Site du bureau d’architecte de Mme Michaud
1. Montréal ma grand’ville, Josette Michaud, Éditions La Presse, Montréal, 1979.
2. Le Vieux-Montréal, Cité religieuse, résidentielle, marchande, financière, portuaire et ferroviaire, et Cité marchande, Josette Michaud, Cidem Communications, Montréal, 1989.