André Desjardins a une trajectoire de vie qui évite les obstacles. Non pas parce qu’il n’a pas connu d’entraves, enfin je suppose que non, comme tout le monde, mais, comment dire, il semble avoir le sens de l’anticipation et du bonheur. Ce qui lui confère une capacité à suivre son chemin en traversant le temps avec sérénité, comme s’il avait quelques secondes d’avance sur les événements. Se mouvoir ainsi dans l’existence demande une intuition hors du commun, ce qu’il possède, à n’en pas douter.
Il a fait son bac en design graphique à l’UQAM. Un jour, il a été offrir ses services au Théâtre du Nouveau Monde en leur disant : « je vais vous faire une proposition (pour une affiche) et si vous aimez ça, vous me direz, autrement pas d’obligation ». Sans en avoir pleinement conscience, André venait de donner une impulsion nouvelle à la suite des choses… Ainsi, talentueux et sûr de lui, il a au fil des mois et des années travaillé comme graphiste pour plusieurs compagnies de théâtre importantes de Montréal. Ce qui l’a amené au cinéma puis à la musique. Les choses ont tellement bien tourné que rapidement il se trouve à la tête d’une entreprise très florissante. Mais lui, un manuel, un homme qui a besoin de travailler avec ses mains, était devenu un gestionnaire. Il peignait la nuit. Plus fort que lui, ce besoin tactile, ce contact avec la matière. On pourrait ici poursuivre le récit de sa vie de graphiste, il y en aurait encore long à dire, beaucoup même, car il a bien réussi, mais ce n’est pas le graphiste qui nous intéresse maintenant, c’est le peintre.
Quelque part en 2001, il rencontre son amoureuse, Hélène Bélanger-Martin, réalisatrice de son état et, si je vous raconte cela, c’est parce que c’est elle qui l’a poussé à mettre de l’avant, voire à affirmer le peintre en lui. Et c’est aussi elle qui lui a donné une extraordinaire inspiration sur laquelle il se propulse toujours. En 2003, le graphiste en lui a complètement cédé le territoire créatif au peintre. Ces deux activités ne sont pas à proprement parler incompatibles, mais elles sont certes très différentes l’une de l’autre. Il avait besoin de la matière, de retrouver la poésie et le sens de la ligne. Sa peinture est devenue plus suggestive, érotique, la femme s’y est installée à demeure.
Un jour, il y a eu cette occasion de faire une exposition solo au café du Monument national. Ce fut un succès. Tellement qu’on lui a offert les murs aussi longtemps qu’il le voudrait. Ça a duré plus de trois ans… Il voulait, percer à l’international et qu’il est allé à New-York en souhaitant que cela se concrétise présenter son travail aux États-Unis. En 2008, il participe à Art Expo à New York, à cette époque c’est une méga foire, plus de 1100 exposants. Il avait amené 25 tableaux, qu’il vend très, très rapidement. Il n’en revient pas. Et comble de chance, il est remarqué par un des patrons de Masterpiece Publishing, Daniel Winn. C’est le début d’une grande aventure qui le mènera dans plusieurs grandes galeries américaines et sud-américaines.
La peinture récente d’André Desjardins a pour sujet la femme et plus particulièrement de grands portraits de femmes présentés souvent en vue rapprochée. Il peint sans modèle et chaque tableau raconte une histoire, celle du personnage. Même si la narration n’est pas explicite, elle est néanmoins bien présente dans le processus. Une mise en contexte qui se veut un acte de sérénité dans un monde qui en a grandement besoin. Un temps d’arrêt dans une vie qui va de plus en plus vite.
Actuellement, il est en transformation, sa peinture le dirige vers une forme reconnaissable, moins appuyée, plus suggestive, organique aussi, mais la plénitude demeure un de ces pivots. Peut-être est-ce la sculpture qui l’amène vers cet autre ailleurs, une expression relativement nouvelle, la troisième dimension pour lui, mais toute naturelle aussi pour un artiste ressentant autant le besoin du contact avec la matière ou est-ce simplement la vie, car même la quête de la paix ne peut rester immobile. Tout bouge.